La Maison Charles et son iconique lampe ananas

Avr 9, 2025 | Luminaires

Un samedi de février, un client est passé à l’atelier avec une lampe sous le bras. Une jolie pièce, au pied doré et texturé, qui imitait la silhouette d’un ananas. « Elle ne fonctionne plus, vous pensez pouvoir la réparer ? » m’a-t-il demandé. « Bien entendu ! Je m’en occupe. » Je l’ai prise en main, observée sous toutes ses coutures. Ce modèle m’intriguait, une lampe ananas, ça me parle !

J’ai l’habitude de travailler sur des luminaires anciens, mais celle-ci titillait ma curiosité, alors je suis partie en quête d’informations. En creusant un peu, en épluchant des catalogues anciens et en échangeant avec d’autres passionnés, j’ai découvert que la lampe Ananas était emblématique d’une maison prestigieuse : la Maison Charles.

Allez venez, je vais vous raconter comment j’ai rénové cette lampe et ce que j’ai appris sur cette maison d’exception.

Ma rénovation d’une lampe ananas

Voici la lampe que m’a confiée mon client ce fameux samedi de février. Je tue le suspens de suite : ce n’était pas une véritable Maison Charles, mais une version inspirée, probablement vendue dans une boutique de Versailles. Qu’importe ! Son allure restait sympa même si les matériaux étaient moins nobles, et méritait bien que je lui redonne vie.

Le socle en bois de la lampe était recouvert d’un placage noir brillant en grande partie décollé. Deux cotés manquaient même complètement. Je suis partie en quête d’un revêtement fin similaire pour remplacer les masquants mais sans grand succès. J’ai recollé les parties qui se détachaient et remplacé les deux faces manquantes avec un revêtement d’épaisseur similaire que j’ai bombé en noir brillant. J’avais peur d’une différence de couleur et de brillant mais non ! Le résultat est nickel.

Alors j’ai pu m’attaquer au nettoyage en douceur des parties laitonnées : J’ai utilisé une méthode non abrasive pour leur redonner de l’éclat sans altérer la patine.

Ensuite, comme souvent avec les luminaires anciens, le câblage d’origine n’était plus aux normes. Alors, j’ai remplacé les fils et les composants pour assurer sécurité et longévité.

Je ne me suis pas occupée de l’abat-jour selon le souhait de mes clients mais je leur ai donné quelques indications comme de respecter l’esthétique d’origine tout en sublimant la lumière diffusée. Mais, j’ai tout de même testé la lampe habillée avec un abat-jour que j’avais à disposition.

Et voilà, la lampe est repartie prête à éclairer encore de nombreuses années la vie d’une maison de Picardie. Ce type de projet me passionne, car il me permet de prolonger la vie d’un objet, de lui redonner une place dans nos intérieurs d’aujourd’hui sans trahir son histoire. Et c’est exactement ce que j’ai envie de partager un peu plus ici avec vous : ces anecdotes, ces découvertes, ces savoir-faire qui traversent le temps.

Parce que ces rénovations sont pour moi l’occasion de faire des recherches sur les lampes qu’on me confie, de découvrir des designers, des styles, des époques et toute une variété d’histoires. En me lançant dans cette rénovation, je me suis posé la question : d’où venait ce design si iconique de l’ananas ? Était-ce une création originale d’une grande maison ? C’est ainsi que j’ai plongé dans l’histoire fascinante de la Maison Charles.

La Maison Charles : un héritage d’exception

C’est en cherchant l’origine de cette lampe que j’ai découvert le travail de la Maison Charles, l’un des grands noms du luminaire français. Fondée en 1908, la Maison Charles est une référence incontournable dans l’univers du luminaire haut de gamme. Dès ses débuts, elle s’est spécialisée dans le travail du bronze, avec une précision et un savoir-faire artisanal remarquables. Si son nom vous est familier, c’est probablement parce que certains de ses modèles iconiques ont traversé les décennies et sont aujourd’hui prisés des collectionneurs et des amateurs de décoration raffinée.

Mais ce qui fait toute l’âme de la Maison Charles, c’est sa capacité à mêler classicisme et modernité. Ses luminaires ne sont pas simplement des objets utilitaires ; ce sont de véritables sculptures, où la nature est une source d’inspiration majeure. Feuillages, fleurs, fruits exotiques… Chaque création est une ode au végétal, travaillée avec une minutie impressionnante.

Une histoire familiale qui a su faire évoluer les styles

En 1908, Ernest CHARLES reprend la Maison Ullmann, spécialisée dans le bronze. Sous la direction d’Ernest, l’entreprise s’est d’abord concentrée sur la reproduction de luminaires anciens, inspirés de l’Antiquité et du XVIIIe siècle. Les modèles sont richement ornés, avec des finitions en bronze doré ou patiné. La maison Charles se forge une solide réputation dans le domaine du bronze d’art (jeanlucferrand.com).

En 1923, son fils, Émile Albert Charles, reprend les rênes de l’entreprise, suivi en 1932 par son frère Pierre. Durant cette période, la société est connue sous le nom de « Charles Frères » (incollect.com).

Dans les années 1950, Jean Charles, fils d’Émile, rejoint l’entreprise et marque un tournant décisif dans son histoire. Sous son impulsion, la Maison Charles innove en introduisant des formes plus audacieuses et inattendues pour l’époque. Elle développe un style propre, associant inspirations classiques et influences modernes. C’est à cette époque que les célèbres lampes Ananas, Épi de Maïs, Pomme de Pin ou encore le Lotus voient le jour, reflétant une inspiration naturaliste et exotique. On reconnaît une lampe Charles entre mille. Le travail du bronze, minutieux, donne naissance à des pièces sculpturales, souvent inspirées par la nature.

Les lampes iconiques de la maison Charles :

  • Lampe Ananas : Introduite dans les années 1950, cette lampe représente un ananas en bronze, symbolisant l’exotisme et l’élégance.
  • Lampe Épi de Maïs : Inspirée des formes naturelles du maïs, mettant en avant le savoir-faire artisanal de la maison.
  • Lampe Lotus : Créée dans les années 1960, elle s’inspire de la fleur de lotus, combinant éléments naturels et design épuré.
  • Lampe Nénuphar : Dans les années 1970, cette lampe représente un nénuphar en bronze, reflet de l’esthétique naturaliste de la maison.

Les années 1960 et 1970 marquent une période de créativité intense, avec des designs sculpturaux et des finitions sophistiquées. Les luminaires de cette époque combinent des éléments naturels avec des formes géométriques, incarnant l’esthétique moderniste de l’époque.

Lampe Orgue, collection Inox, conçue par Jacques Charles en 1965

Les années 1960 et 1970 marquent une période de créativité intense, avec des designs sculpturaux et des finitions sophistiquées. Les luminaires de cette époque combinent des éléments naturels avec des formes géométriques, incarnant l’esthétique moderniste de l’époque.

Au décès des deux petits-fils, c’est Chrystiane Charles, l’épouse de Jean, qui reprend le flambeau et la direction artistique (1971). Dans les années 1970 et 1980, la Maison Charles va continuer d’innover, tout en restant fidèle à son héritage artisanal. Elle intègre des designers contemporains et élargit son offre avec des modèles aux lignes plus épurées, adaptés aux intérieurs modernes. Elle développe ensuite, jusque dans les années 2000, des modèles intégrant des matériaux modernes comme le verre ou l’acier brossé.

Depuis 2019, Charles est la propriété des Beaufour-Lévy, famille qui perpétue l’esprit de « joaillerie d’intérieur ». En 2022, Charles Paris édite une série de nouveautés, comme la lampe Utah, signées Michael Wagner, passé à la création après une vingtaine d’années à diriger la Maison.

Aujourd’hui, la maison Charles continue d’allier tradition et modernité, revisitant les classiques adaptés aux intérieurs contemporains. Leurs lampes sont toujours réalisées à la main, dans leurs ateliers d’Aubervilliers, aux portes de Paris. Chaque luminaire Charles est fait de bronze et laiton, avec toute une gamme de finitions possibles par dépôt métallique ou patine au feu

Les pièces vintage signées Charles sont désormais très recherchées par les collectionneurs et amateurs de design. On les retrouve dans certaines ventes aux enchères, boutiques spécialisées ou directement sur le marché de la seconde main.

La lampe Ananas : un symbole de raffinement

Parmi toutes ces créations, la lampe Ananas reste l’un des modèles les plus emblématiques, pas étonnant que cela ait allumé une petite étincelle chez moi à la vue de la lampe de mon client.

Introduite dans les années 50, la lampe ananas reflète parfaitement l’exotisme et l’élégance qui caractérisent la Maison Charles. Son pied en bronze ciselé, imitant la texture du fruit avec une grande finesse, en fait un luminaire aussi décoratif qu’artistique.

Ce modèle s’inscrit dans une époque où l’exotisme s’invite dans les intérieurs bourgeois. On aime les matières nobles, les finitions dorées, les formes inspirées du monde végétal. Aujourd’hui encore, la lampe Ananas reste une pièce très recherchée, que l’on trouve aussi bien chez des antiquaires spécialisés que sur le marché des ventes aux enchères.

Et vous, avez-vous déjà croisé une lampe Ananas ? Peut-être en avez-vous une chez vous, héritée d’un proche ou dénichée en brocante ? Si vous souhaitez lui offrir une seconde jeunesse, n’hésitez pas à me contacter pour une restauration. Ce sera un plaisir d’échanger autour de ces trésors lumineux qui illuminent nos intérieurs autant que notre curiosité.

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